Je vous laisse lire ci-dessous le texte de l'article de Gérard.
L’escalade, c’est ma passion
La montagne, je ne la pratiquais qu’à travers de longues randonnées, fasciné par toute cette beauté. La haute montagne, je ne l’imaginais qu’en rêves, presque de façon fantasmatique ; ce n’était pas pour moi, c’était trop grand, trop inaccessible, une vraie passion où se mêlaient peur, amour et conscience de mon infinie faiblesse face aux éléments. Pour mes cinquante ans, on m’a vraiment forcé la main, j’ai fait une course au Mont-Blanc du Tacul, à un peu plus de 4300m ; C’était en 1998, juste 2 jours après la finale de la coupe du monde de foot ; quel bonheur ce fut de fouler le sommet, inoubliable, grandiose, irréel ! La remontée du col du Midi à l’aiguille du Midi fut vraiment éprouvante ; Heureusement j’avais l’excuse de demander au guide de me laisser le temps de mesurer ma glycémie tous les
Sitôt après j’ai intégré un club d’escalade dont je suis le grimpeur le plus âgé. Chaque année, entre le mur d’escalade, les falaises de Côte d’Or (j’habite à Beaune) et mes 2 semaines à Argentière, tout près de Chamonix, j’ai acquis un niveau qui me satisfait pleinement. Dans cette discipline le diabète ne m’a jamais posé de problème ; j’ai toujours pu faire une glycémie à un relais, même s’il n’est pas des plus confortables, et puis dans le doute 2 ou 3 sucres peuvent parer à toute éventualité hypoglycémique.
A raison de 3 courses par semaine à Chamonix j’ai pu goûter aux plaisirs de la neige, du mixte et surtout du rocher.
Cette année, j’avais envie de me lancer un défi dans les Aiguilles Rouges, sur le versant sud de la vallée de Chamonix, à la Chapelle de la Glière, par l’arête sud. C’est, sinon une course mythique, du moins une de celles qui figurent dans le livre culte de Gaston Rebuffat, «Les 100 plus belles courses du Massif du Mont-Blanc."
Ce vendredi 27 juillet 2007, accompagné de Manu MEOT, guide chamoniard dynamique et de surcroît super sympa qui m’accompagne tous les étés, nous prenons le télécabine de la Flégère, puis le télésiège de l’Index. Dans le téléphérique, Manu me présente René PATTY, qui en 1964 avait été un des ouvreurs de la voie de la Chapelle, c’est un signe.
Arrivés à l’index, il souffle un vent froid et des nuages lenticulaires coiffent déjà le Mont-Blanc en face de nous - un drôle de temps - Manu cherche à tergiverser, arguant du froid qu’il allait faire sur l’arête, mais devant ma détermination nous attaquons la marche d’approche, plus longue et moins évidente que prévue. Quelques gradins faciles nous amènent au pied de la voie où nous nous équipons. Quatre cordées sont déjà devant nous s’escrimant dans un départ athlétique en « dulfer » (progression en opposition pieds-mains). J’ai dès lors tout loisir de faire un contrôle de ma glycémie. A 1,95g/l (10,8mmol/l) elle est impeccable avant l’effort.
Dès que Manu atteint le premier relais et la corde est avalée et tendue, je m’engage dans le passage en dulfer. Que c’est physique ! J’arrive près de lui complètement gazé. Il a installé un relais sommaire sur un becquet ; au relais équipé se serrent déjà 6 personnes. A peine le temps de reprendre mon souffle et mon guide repart en tête doublant poliment les autres cordées qui s’échinent. « Faites comme si je n'étais pas là » leur dit-il amicalement en les dépassant ; une dégaine de temps en temps pour un semblant d’assurage, les relais s’enchaînent. A la cinquième, nous décrochons les autres cordées, que nous ne devons plus revoir. Je trouve mon rythme et la grimpe se fait plus fluide : «Tu es comme un diesel, il te faut du temps pour chauffer mais après on ne t’arrête plus…» se moque Manu. Sensation bizarre… j’avale 4 sucres tirés de ma poche en pleine paroi… on verra bien. Le vent s’est calmé, il fait presque bon, le Massif est complètement dégagé, c’est super, Chamonix s’agite tout en bas. Nous voilà à la huitième longueur, au passage dit du rasoir, un passage impressionnant, aérien, où nous progressons avec les mains sur le fil du rocher et en comptant sur l’adhérence des chaussons. Je pense à cet instant à Gaston Rebuffat qui a immortalisé ce passage dans le livre que j’ai cité plus haut ; tous les gens qui aiment les livres de montagne connaissent cette photo.
Mes chaussons presque neufs me blessent un peu, mais tout est si beau - pas d’angoisse, pas de stress - la sérénité, je me sens quelqu’un d’autre. Encore 3 longueurs dont nous nous délectons et nous voici au pied de
C’est bête, j’en ai presque pleuré de bonheur. Certes, ce n’était pas « difficile » mais j’avais tellement envie de faire cette course, non pas pour me dépasser, je répugne à me faire trop mal, mais pour jouir du plaisir de grimper, de former une cordée, de ne penser qu’à
Gérard G. (Beaune - 21)
Article initialement paru dans le numéro 71 de la revue Défi éditée par Union Sports et Diabète, reproduit avec l'aimable autorisation de Défi